I.D n° 1038 : ” Quand je serai grande, je serai feu follet ”
Date de parution : lundi 17 avril 2023
Un temps, j’ai cru que Florentine Rey avait inventé le mot Pampilles (belle sonorité, quoi qu’il en soit) qui sert de titre à son livre récemment paru au Castor Astral. Quelle ignorance de ma part : loin d’être un néologisme – on m’accordera cependant que le terme n’est point si usuel, dénote pour le moins, de la part de l’auteure, d’une volonté de surprendre, d’éveiller la curiosité -, il désigne dans le domaine de la bijouterie ou de la passementerie, un élément de décoration en forme de pendeloque.
Soit ! Rien de décoratif cependant dans cette poésie : on sera bien inspiré d’entendre ce titre comme une plaisante litote, une manière de provocation légère vis-à-vis du lecteur et de le prévenir dans le même temps qu’il sera entraîné dans une écriture inventive, de fantaisie, qui ne reculera pas devant l’absurde ou le coq-à-l’âne : Quand je serai grande, je serai feu follet, est-il déclaré dans un poème, projet que je ne suis pas loin de prendre au sérieux, en ce qu’il traduit justement l’esprit des textes qui constituent l’ouvrage. Au bout du compte, le terme de Pampille ne sera-t-il pas appelé à désigner une forme poétique nouvelle, dont Florentine Rey nous fournit, au long des 80 pages du recueil et de ses 8 sections, le modèle ?
Une courte prose en vérité, justifiée à droite comme à gauche, de manière à dessiner une sorte de carré sur la page. (Mais que pour des raisons techniques, je ne peux pas reproduire ici. Un peu d’imagination, lecteur ! Je respecte en revanche dans leur intégralité la suite des mots de chaque ligne) :
Le violon débutant tyrannise la rue son air fend le bitume les arbres hors des gonds partagent des pensées menaçantes on passe la voix par
la fenêtre le voisin le prend mal il envoie son microbe sonner à la porte on lui donne des bonbons qui transforment en squelette
La narratrice dira-t-on a la langue bien pendue… Son babil de feu follet paraît intarissable, le serait s’il n’était strictement encadré, tenu par les marges de la justification. Jouissance de la parole qui enchaîne rondement injonctions à un partenaire silencieux ou monologue au bord de l’absurde. Pas si loin du Cornet à Dé, de Max Jacob , ne trouvez-vous pas ? Et pas de ponctuation, avez-vous remarqué ?, si bien que demeurent certaines incertitudes dans la lecture : on ne sait trop où marquer la respiration nécessaire, et il suffit de la placer ici plutôt que là pour que le sens varie, comme agate parcourue de changeantes irisations.
“Un jour il n’y aura plus de haut plus de bas un jour il n’y aura plus qu’un trou dans lequel tu cacheras ton reste de fille que tu traînes aux chevilles et son cri quand tu tournes la boîte à musique
elle dit pas d’oeufs pas de viande pas de poisson elle dit rien pas de cadavre dans la maison ni superpositions elle brasse la verdure dans ses cheveux fatiguée et sa langue pattes en rond”
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