Revue Lichen n°14
Courrier reçu par Lichen qui résume bien la revue : « Votre Lichen, c’est un champ de luzerne avec des coquelicots, des bleuets et des marguerites. C’est beau, ça change tout. On s’y attarde. On regarde. On n’ose pas abîmer. On respecte. On soupire d’aise. On souffle dessus pour voir si le vent du dedans fait un frisson sur votre paysage, parfois quelque chose bouge, c’est visible, c’est une brise légère. Au loin, des bosquets, le maquis sent la marjolaine, des genêts ont le jaune qui convient aux balais de printemps. La poésie y est reine souveraine sauvageonne, elle court court, gambade, sautille pour plus tard trouver un abri, un cabanon moitié écroulé, une hutte de berger, puis elle croque dans un quignon de pain, un oignon coupé en tranches, un bout de saucisson et la gourde de métal trempe dans la rivière, plus bas. Lichen, c’est ça. » (SN)
Rototo
Je mangerais bien
un cochon
je mangerais bien
l’oiseau avec son nid
je mangerais bien
les truites qui n’existent plus
les galets
la plage
ma sœur et son rire de crabe.
Une fois tout avalé
j’ouvrirai grand la bouche
et jaillira
un rot sublime.
Apocalypse bientôt
Mauvaises nouvelles de la forêt ! Les oiseaux font sécher de grandes ailes métalliques sur des fils tendus entre les arbres. Sous la mousse les araignées ont planqué des pattes de rechange avec des articulations renforcées. Les fourmis décollent et stockent les points des amanites. Les lapins puent comme s’ils s’étaient roulés dans la térébenthine. On a capté un ours en train de frotter des écorces pour faire du feu.
Parité
Il y a peu de candidates pour extraire le pétrole, il y a peu de candidates pour dompter la nature et la mettre à sa botte, il y a peu de candidates pour enfermer les hommes, les tabasser, les violer, en faire des marchandises, il y a peu de candidates pour mécaniser le vivant et inventer des machines pour tuer en série, il y a peu de candidates pour penser une bombe atomique, il y a des femmes perdues dans un monde d’hommes, elles traversent la vie à la nage en tenant d’un côté le réel et de l’autre la main de leurs enfants.